Ancré aux bords des falaises blanches de la Côte d’Albâtre, le village de Varengeville-sur-mer est connu mondialement pour avoir été célébré par des peintres aussi réputés que Claude Monet et Georges Braque.
La liste des artistes, peintres, sculpteurs, compositeurs, poètes, écrivains et cinéastes qui ont laissé leurs traces à Varengeville est véritablement extraordinaire, elle ne cesse d’ailleurs de s’allonger. En effet, l’attrait du site rendu lumineux par la pureté de l’air iodé est une source sans cesse renouvelée d’inspiration pour tout regard sensible à l’extrême beauté.
Créé par Guillaume Mallet et son épouse Adelaïde Grunelius en 1898, « Le Bois des Moutiers » est situé à Varengeville-sur-mer près de Dieppe en Haute-Normandie, village chéri des impressionnistes.
Il comprend un ensemble architectural (grand manoir entouré de jardins structurés) et un parc étonnant, véritable œuvre d’art végétale.
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Le Bois des Moutiers semble avoir été conçu dès le départ comme le lieu d’élection d’un projet pionnier d’ordre essentiellement spirituel. Les éléments architecturaux et leur disposition savamment calculée obéissent à certains principes de théosophie. L’application de ces principes fait de la déambulation un parcours riche de références, le promeneur « y passe à travers une forêt de symboles ».
Guillaume Mallet naît en 1860 au sein d’une famille de banquiers protestants. Son arrière-grand-père Christophe-Philippe Oberkampf, fondateur des célèbres manufactures d’indiennes de Jouy sensibilise sa famille à l’art sous toutes ses formes ainsi qu’à la beauté des jardins. Enfant, il séjourne sur l’ile de Wight remarquable par son relief fortement vallonné, l’anglophilie alors en vogue parmi les hautes classes de son temps.
En 1895, Guillaume Mallet épouse Adélaïde Grunelius, issue d’une famille de banquiers aux racines alsaciennes et rhénanes. Renonçant à une carrière d’officier de cavalerie, il choisit de s’impliquer avec son épouse dans un projet hors normes aux ambitions à la fois esthétiques, scientifiques et spirituelles.
Histoired’unecollaboration
Dès l’origine, Guillaume Mallet et son épouse se sont employés à mettre en œuvre au Bois des Moutiers un projet répondant à un manifeste clairement articulé.
Pour ce faire, ils recourent à un jeune architecte de 29 ans, du nom de Edwin Lutyens, ainsi qu’à une paysagiste d’avant-garde, Gertrude Jekyll. Ces deux maîtres d’œuvre collaborent d’autant plus facilement que les rapprochent leurs idéaux et leurs sens esthétique.
Le Bois des Moutiers est le fruit d’une collaboration étroite entre Guillaume Mallet un commanditaire éclairé, Sir Edwin Lutyens un jeune architecte de génie, et Gertrude Jekyll, une paysagiste de renom.
Comme dans toute grande œuvre, la simplicité n’y est pas l’indice d’un cheminement facile mais la victoire sur une foule de difficultés matérielles et techniques.
Les écrits de William Robinson et de Francesco Colonna (Le Songe de Poliphile) inspirent la mise en scène des jardins et du parc. Conçus comme un parcours initiatique avec une grande perspective parallèle à la maison sur sept niveaux, les espaces intérieurs de la maison conversent avec « les chambres de verdure » dans le jardin et plus loin les vues sur le parc et la mer. Les murs coiffés de tuiles rayonnant comme des racines depuis les façades sud ancrent le projet au territoire. Les volumétries, les calepinages des sols, les géométries et les symboles, offrent un support idéal pour les créations de Miss Jekyll. La maison s’élève de manière organique à partir du jardin. Les fenêtres verticales du grand escalier répondent harmonieusement aux cheminées s’élançant vers le ciel, équilibrant l’architecture horizontale des murs d’enceinte et de la pergola.
Tous deux s’inscrivent dans le droit fil du mouvement Arts and Crafts et affichent leur propension à l’esthétique symbolique, typique du préraphaélisme. L’un des moteurs de leur collaboration fut la recherche passionnée — on pourrait presque parler d’une quête presque platonicienne — à propos de tout ce qui a trait à l’idée d’harmonie pure et de simplicité des formes.
L’idée directrice était de créer au Bois des Moutiers, plus encore qu’une « conversation », une relation symbiotique entre la maison, les jardins et le parc. Simple dans son principe, cette idée n’en demanda pas moins, pour se déployer dans l’espace et prendre corps, une réflexion soutenue.
A chacune de ses phases, le projet exigeait un effort d’inventivité extrême et mobilisa une foule de savoir-faire et de techniques diverses. L’aspect de simplicité et de pureté qui s’impose aujourd’hui est à la fois le fruit d’une lente maturation et d’une grande sophistication dans l’exécution.
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La Maison du Bois des Moutiers est unique en France dans l’histoire du mouvement Arts and Crafts, car elle réunit comme au temps de la Renaissance italienne, à la fois un jeune architecte de génie, Sir Edwin Lutyens (1869-1944) (auteur du Palais du Vice-Roi à New Delhi), des artisans de l’entreprise « William Morris & Co » de Merton Abbey et Robert Anning Bell, artiste préraphaélite (proche de Dante Rossetti et de Burnes-Jones) pour la décoration intérieure, formant ainsi un tout inséparable.
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Si l’ensemble architectural du Bois des Moutiers est considéré à juste titre comme un chef d’œuvre, le parc n’en est pas moins une œuvre d’art unique en son genre, due au talent de Guillaume Mallet et de 40 années d’intense labeur. Inspiré par les peintures du Lorrain, de Poussin et de Burnes-Jones, par les conseils de la paysagiste Gertrude Jekyll et de l’écrivain jardinier William Robinson. Le parc est représentatif du mouvement Arts and Crafts et de ses principes généraux de naturalisation massive de plantes exotiques d’effets de broderies et de vitraux et par le choix exclusif de couleurs médiévales.
Les jardins d’une superficie de 2 hectares qui entourent la maison furent dessinés par l’architecte, en collaboration étroite avec le propriétaire et la paysagiste anglaise renommée Miss Gertrude Jekyll (1849-1932). Conçus comme le prolongement de la maison, ces espaces clos de murs structurés renferment les premiers mixed-borders de France. Ces « chambres de verdure » communiquent entre elles et amènent progressivement au grand parc paysager volontairement plus naturel.
Le parc d’une superficie de 8 hectares fut entièrement planté par Guillaume Mallet dans une valleuse orientée vers la mer.
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La nature acide du sol, exceptionnelle en Pays de Caux, permit l’introduction de nombreuses espèces rares, en contraste total avec la végétation locale (Azalées de Chine, Eucryphias du Chili, Érables du Japon, magnolias, Rhododendrons de l’Himalaya…). Ces derniers arrivés aujourd’hui à maturité ont atteint parfois des tailles impressionnantes – jusqu’à 10 mètres de haut.
La promenade se déroule en une succession de clairières dans chacune desquelles une espèce dominante imprime un caractère particulier.
Azalées de Chine, Eucryphias du Chili, Érables du Japon, Magnolias, Rhododendrons de l’Himalaya…
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Depuis l’achat de la propriété en 2020, Jérôme et Sophie Seydoux ont entrepris un vaste chantier de restauration.
Ils se sont entourés de trois amoureux des lieux : Jean-François Bodin pour l’architecture, Jacques Grange pour la restauration de la maison et Madison Cox pour la restauration et la recomposition des jardins. Chacun s’est employé à restaurer et embellir le Bois des Moutiers dans le respect de l’histoire et la continuation de l’esprit de Guillaume Mallet.
Les floraisons se suivent tout au long de l’année et donnent au parc un intérêt permanent. Les magnolias fleurissant dès mars-avril précèdent les azalées et les rhododendrons en mai-juin. L’été traversé par les rosiers et les hydrangeas conduit aux mois d’octobre et novembre où les couleurs d’automne, notamment celles des érables du Japon, sont toujours très spectaculaires.